Belle et grande production que cette « Alcina » de Haendel, présentée deux soirs de suite au théâtre de Caen. Vávlav Luks, à la tête de Collegium 1704 et Jiří Heřman à la mise en scène, donnent à cette production tchèque un souffle musical et une inventivité, servies par décor étonnant, mouvant et polymorphe. Cet opéra est un festival d’arias et de prouesses vocales. Dans le rôle-titre, la soprano canadienne Karina Gauvin mène une distribution internationale hors-pair, parmi laquelle le jeune contre-ténor américain Ray Chenez s’affirme comme un nom vraiment à suivre.
« Cosi fan tutte », contentissimi!
Avec Emmanuelle Haïm à la baguette, Laurent Pelly à la mise en scène, c’est un « Cosi fan tutte » prometteur qui s’annonçait au théâtre de Caen. L’intérêt était de surcroît aiguisé par la présence sur scène de l’enfant du pays, le ténor Cyrille Dubois. Le résultat a dépassé l’attente. L’opéra de Mozart a été servi par un orchestre, le Concert d’Astrée, au mieux de sa forme, une équipe de chanteuses et chanteurs au diapason. Le tout dans une scénographie judicieuse.
« Cupid and death », le masque et la flèche
Il y a quelque ironie à présenter un « mask » _ lointain ancêtre anglais du music-hall _ devant des spectateurs masqués. Mais au moins, le public du théâtre de C aen a-t-il retrouvé le chemin des fauteuils pour cette découverte qu’offre « Cupid and Death ». On la doit à l’infatigable explorateur des répertoires qu’est Sébastien Daucé, avec son ensemble Correspondances. Comme pour « Songs », il y a trois ans, c’est dans l’Angleterre du XVIIe siècle qu’il a déniché cette pépite que l’on doit aux compositeurs Christopher Gibbons et Matthew Locke sur un texte de James Shirley. La complicité d’Emily Wilson et de Jos Houben, à la mise en scène, ajoute à ce « mask » un souffle de folie douce.
Cupidon se trompe de flèche et les ennuis commencent… (Photo Alban Van Vassenhove)
« Vivian: clicks and pics », en quête de révélateur
A l’heure de l’image numérique, le compositeur Benjamin Dupé propose un hommage original à la photographe Vivian Maier. « Vivian : clicks and pics », un opéra de chambre (noire), explore l’étrange démarche de cette nurse américaine qui a laissé des milliers de négatifs sans avoir opéré le moindre tirage. Par la voix de la soprano Léa Trommenslager et le piano de Caroline Cren, la musique de Benjamin Dupé sur un texte de Guillaume Poix, interroge le destin insolite d’une œuvre désintéressée devenue un business.
Lire la suite « Vivian: clicks and pics », en quête de révélateur
« Cendrillon », l’important c’est la rose…
La fondation Bru Zane, installée à Venise, a à cœur de faire redécouvrir tout un pan de la musique française du XIXe siècle. Le théâtre de Caen bénéficie de ce travail depuis plusieurs années. Dernière production en date, « Cendrillon » un opéra de Nicolas Isouard, créé en 1810 à l’Opéra-Comique, à Paris, inspiré du célébrissime conte de Charles Perrault. Avec dans la fosse le Concert de la Loge, dirigé par Julien Chauvin, l’œuvre, toute de fraîcheur mise en scène par Marc Paquien, réunit sur scène un quintet convaincant de chanteuses et chanteurs ainsi que deux comédiens irrésistibles.
Photo Cyrille Cauvet. Opéra de Limoges.
« Psyché », le s(w)inging London de Locke
Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances entraînent avec « Psyché » dans le Londres de Charles II. Après les années austères du républicain Cromwell, l’Angleterre renoue avec la cour avec dans la ligne de mire du souverain en place le modèle de Louis XIV. C’est ainsi que le compositeur Matthew Locke se voit confier la mission de créer le premier opéra anglais. La « Psyché » Lully lui sert d’exemple. Sébastien Daucé s’en empare dans une version de concert, dont il a fallu combler des blancs. Avec ses musiciens et chanteurs, il a présenté au théâtre de Caen une reconstruction convaincante à souhait.

« Madame Favart » sous toutes les coutures
Il fallait bien un Offenbach pour terminer l’année au théâtre de Caen. D’autant que toute l’année 2019 a marqué le bicentenaire de la naissance du compositeur d’ « Orphée aux enfers ». Parmi ses opéras bouffe à la française, « Madame Favart » ne compte pas parmi les plus connus et donc les plus mis en scène. Mais il fête à sa façon une artiste très célèbre en son temps, Justine Favart. Elle et son mari ont laissé leur nom à l’Opéra Comique. La salle parisienne a tout naturellement accueilli cette nouvelle production réjouissante, dont le théâtre de Caen est partenaire.
De gauche à droite : François Rougier (Boispréau), Anne-Catherine Gillet (Suzanne) ; Christian Helmer (Favart) ; Marion Lebègue (Madame Favart). © S. Brion.
Quand il écrit « Madame Favart », Jacques Offenbach (1819-1880) est au soir de sa vie. Ses origines allemandes et sa popularité due à ses grands succès sous le Second Empire l’ont rendu suspect au regard de la IIIe République née dans la douleur de la défaite de 1870 et de la Commune. Le compositeur vient de traverser des années difficiles quand il se penche sur le destin de Justine Favart juste avant la « Fille du Tambour Major ». Après ce sera son grand œuvre « Les Contes d’Hoffmann », qui éclipsera un peu ce qui sera classé comme ses « opéras patriotiques ».
Offenbach a besoin d’une nouvelle reconnaissance. Il s’intéresse à l’histoire de Justine Duronceray (1727-1772), encore inscrite un siècle plus tard dans la mémoire collective. Cette artiste complète _ elle joue, danse, chante, compose _ est l’épouse de Charles-Simon Favart, directeur de l’Opéra Comique. Le couple et leur troupe de comédiens sont engagés par le Maréchal de Saxe. Il s’agit d’entretenir le moral des troupes de Louis XV engagées dans la guerre de succession d’Autriche, dont le sort se scellera à Fontenoy, au Pays Bas, par une victoire française.
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Happy end pour les Favart. Pontsablé est révoqué par le roi. Favart est nommé à la tête de l’Opéra Comique.© S. Brion.
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Le Maréchal avait des vues sur Justine Favart et manœuvra pour éloigner le mari. Cet épisode de la petite histoire dans la grande histoire avait de quoi réveiller des cocoricos républicains, qui, dans un contexte victorieux, retiennent comment un grand aristocrate a été mis en échec par une comédienne. Avec la complicité des librettistes Alfred Duru et Henri Chivot, Offenbach concocte une intrigue à la Molière, avec force ruses, quiproquos, travestissements, qu’illustre une musique frénétique.
Le lever de rideau fait découvrir un atelier de confection de costumes, réplique de celui de l’Opéra Comique. Il convient de le savoir pour ne pas céder à l’incongruité de certaines répliques du premier acte. Ainsi d’Hector de Boispréau, ami de Justine Favart, qui réclame une omelette au milieu de machines à coudre ! Par cette option de décor, Anne Kessler, qui signe la mise en scène, applique la formule du théâtre dans le théâtre.
« Madame Favart » prend corps dans l’atelier de costumes de l’Opéra Comique, et s’inspire de la mode des années 1950. © S. Brion.
Ainsi se laisse-t-on imaginer tout le personnel de l’atelier représenté les chanteurs et choristes, blouse blanche et mètre ruban autour du cou, s’inscrire progressivement dans l’histoire de « Madame Favart ». Ce qui explique aussi la présence d’un jeune garçon qu’on peut supposer l’enfant d’une couturière. Le décor est amené à s’effacer ainsi aux yeux du spectateur qui vont s’attacher à l’évolution des personnages. Mais le choix, qui répond certes dans un hommage à la salle Favart et à ses coulisses, aurait été plus explicite, si, par exemple, plusieurs des mannequins portaient les doubles des costumes des protagonistes.
Car les rebondissements qui parsèment cet opéra-bouffe impliquent des travestissements, dont Madame Favart devient une spécialiste. La vraie Justine fut reconnue comme pionnière dans l’utilisation de costumes réalistes sur scène. Là, son personnage apparaît sous toutes les coutures _ chanteuse des rues, servante, douairière, marchande _ pour déjouer les recherches du gouverneur Pontsablé missionné par le Maréchal, avant d’apparaître enfin dans sa vraie nature d’artiste lyrique.
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Le gouverneur de Pontsablé (Eric Huchet) se fait mystifier.©S. Brion.
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La mezzo Marion Lebègue incarne avec une spontanéité assurée une Favart d’emblée sympathique. Autour d’elle, est réunie une équipe de chanteurs aux interventions vocalement heureuses : Christian Helmer (Favart), baryton efficace ; François Rougier (Boispréau), un ténor à suivre. On avoue un faible pour le timbre confiant de la soprano Anne-Catherine Gillet (Suzanne, la jeune épouse de Boispréau), qui, à ses qualités de chanteuse, ajoute la souplesse d’une danseuse de Cancan.
Franck Leguérinel (Major Cotignac) et Eric Huchet (Pontsablé), dont la silhouette et le phrasé évoquent un Jean Tissier complètent une distribution, solidement épaulée par le Chœur de l’Opéra de Limoges. L’orchestre de ce même opéra, mené de main de maître par Laurent Campellone, intervient sans faille au fil de l’histoire qui se conclut dans un décor de fumoir de l’Opéra Comique. Toujours lui ( !), pour effacer un peu plus le regret d’Offenbach de ne pas avoir vu sa « Madame Favart » créée place Boieldieu.
Un (petit) regret toutefois. Entre certains passages joués et d’autres chantés, s’immiscent des « blancs », qui auraient mérité être balayés par un peu plus de folie. Même si on leur doit « Les Chevaliers de la Table Ronde » d’Hervé, les librettistes de « Madame Favart », n’atteignent pas ici la même truculence de la paire Meilhac-Halevy de « La Vie parisienne » des « Brigands » ou de « La Périchole ». Bon, il y a des formules délicieuses, comme le nom de l’aubergiste, Biscotin, ou le qualificatif de « Nymphe potagère » (du Feydeau avant l’heure). . « Voila comment ça s’fit !»… à notre bonheur parmi des « Rantanplan » tonitruants
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« Madame Favart », au théâtre de Caen, dimanche 29 et mardi 31 décembre 2019.
« Coronis », enfin Jupiter s’en mêla…
Pour son premier spectacle lyrique de la saison 2019-2020, le théâtre de Caen sort de l’oubli une œuvre du Siècle d’Or espagnol. « Coronis » du compositeur Sebastian Duron (1660-1716) a été créée juste à l’entrée du XVIIIe siècle. Son premier spectateur fut, à Madrid, le jeune Philippe V, petit-fils de Louis XIV. Le metteur en scène Omar Poras fait vivre son imagination foisonnante dans cette rivalité entre Neptune et Apollon pour les yeux de la belle nymphe. Vincent Dumestre apporte, lui, l’excellence de son ensemble musical. Le Poème Harmonique, qui fête ses vingt ans, offre un écrin aux rôles chantés par une équipe féminine enthousiasmante.

On ne connaît pas l’auteur du livret de « Coronis ». Mais c’est à se demander s’il n’a pas anticipé, malgré lui, les conséquences d’un dérèglement climatique, entre un Neptune qui menace d’un tsunami et un dieu Soleil, Apollon prêt à mettre le feu. Les pauvres mortels du peuple de Thrace ne savent plus où donner de la tête.
Cherchez la nymphe. A son corps défendant, Coronis est l’enjeu de cet antagonisme entre les d(i)eux. Ajoutez à cela un peu de géopolitique mythologique. C’est à celui qui prendra sous tutelle la ville de Phlègre. Il faut bien un traître dans l’affaire. C’est ce Triton, mi chair-mi écaille, que rien n’arrête. Ce valet de Neptune compte garder à son profit l’enlèvement de la belle sur laquelle pèsent de bien sombres prédictions.
« Coronis » s’inscrit dans le genre de la zarzuela, théâtre dramatique et musical typique de l’Espagne. Seule exception là, l’œuvre est entièrement chantée. Presqu’exclusivement par des femmes. On apprend qu’à l’époque on faisait appel à des comédiennes formées au chant ; les chantres de la Capilla Real ne se compromettaient à monter sur une scène n’ayant que mépris pour le métier d’acteur.
Vincent Dumestre fait partie de ces musiciens-chercheurs qui découvrent des pépites. « Coronis » est de celles-là, qui résonnent de rythmes de castagnettes et de guitares aux cordes fringantes. Omar Porras, dont on se souvient, entre autres, de son « Amour et Psyché » d’après Molière, s’empare avec jubilation de cette fantaisie baroque que lui inspire le théâtre de tréteaux. Le drame y côtoie la farce. Il suffit d’ouvrir la malle aux costumes et aux accessoires.
Le décor s’inscrit dans une grotte, cet espace propice à la fantasmagorie. Le spectacle se déploie avec chanteuses, mimes et acrobates. Chevelure rousse emplumée de noir, silhouette de danseuse enveloppée de transparence, Ana Quintans incarne une Coronis à la fois candide et gaffeuse. Son personnage, qui trouve son alter ego en la présence d’une étonnante contorsionniste, est au centre des sollicitudes.
Sirène et Ménandre s’en font les échos. Tout de contraste, ligne efflanquée et profil rond, le couple formé par Victoire Bunel et Anthea Pichanick représente les Thraciens. Du moins ceux qui peuvent donner de la voix. Leur condition de simples humains les conduit à s’en remettre au devin Protée. Les cheveux irrémédiablement dressés sur la tête témoignent du pessimisme des augures du magicien, joué par Emiliano Gonzalez Toro Bon _ seul homme avec Olivier Fichet dans la distribution vocale. Disons-le tout de suite, il n’en sera rien. Jupiter enverra Iris, son arc-en-ciel de la paix, mettre de l’ordre dans ce bazar.
En attendant, Neptune (Caroline Meng), barbe et habits couleur de flots, et Apollon (Marielou Jacquard) lingot d’or surmonté d’une abondante chevelure moussue, ne cessent d’éprouver les nerfs des Thraciens. Jusqu’au moment où Triton revient à la charge et s’irrite de voir ses déclarations repoussées par Coronis. D’un coup de lance, le dieu solaire coupe court à ses avances. La plainte du monstre agonisant le rend touchant. L’interprétation d’Isabelle Druet y participe avec acuité.
Le décret jupitérien interrompt les hostilités. Et pour solder cet accord, Sirène et Ménandre, qui a dû surmonter son émotion bégayante, décident de se marier avec la bénédiction d’Apollon. Et en toute connaissance de cause. Le couple a eu l’occasion de se quereller sur les devoirs conjugaux respectifs.
Force feux d’artifice saluent ce final d’un spectacle entier. Le jeu des lumières, des effets de mise en scène, la truculence des costumes et des maquillages sollicitent sans répit le regard. L’oreille est, elle, séduite par la qualité de la partition enchanteresse et saisissante, restituée par le Poème Harmonique.
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« Coronis », au théâtre de Caen, mercredi 6, jeudi 7 et samedi 9 novembre 2019.
« Miranda », la noyée était en noir
e Miranda, seul personnage féminin de l’ultime pièce de Shakespeare, « La Tempête », la librettiste Cornelia Lynn et la metteure en scène Katie Mitchell ont tiré une libre adaptation contemporaine. Elles en ont fait un drame musical sur des partitions d’Henry Purcell sélectionnées par Raphaël Pichon pour son ensemble Pygmalion. « Miranda » est une œuvre intense. Son effet de surprise bouscule l’ordre patriarcal comme une nécessité vitale. La distribution et l’orchestre sont au top.

Le théâtre et son double musical constituaient à l’époque de Purcell (1659-1695) un genre appelé semi-opéra. Katie Mitchell et Cornelia Lynn le reprennent à leur compte dans une création transposée dans l’Angleterre d’aujourd’hui. Elles ont élaboré une trame à partir de la personnalité de Miranda, la fille de Prospero dans l’œuvre de Shakespeare, dont elles imaginent un retour plusieurs années après la fin de la pièce.
Cette intrigue se calque sur un choix de musiques de Purcell. Raphaël Pichon a puisé notamment dans « The Tempest », évidemment inspirée du dramaturge élisabéthain; aussi dans « The Fairy Queen » et autres œuvres de scène du compositeur. S’y ajoutent quelques pièces vocales et instrumentales de Matthew Locke et aussi d’anonymes.
Commando
L’intérieur d’une chapelle moderne et dépouillée. Seuls quelques tableaux géométriques rompent la sobriété de béton. Un office funèbre se prépare. La défunte est Miranda. Partie en mer, on ne l’a pas revue. La thèse du suicide entretient les commentaires. D’emblée, la tension est palpable. Prospero est irritable. Anna, sa jeune épouse enceinte, en subit les conséquences. Anthony, le fils de la noyée, est mutique. Ferdinand, le mari, est décomposé par son brusque veuvage.
On s’avance vers une cérémonie dominée par le chagrin. Mais des signes menacent l’ordonnancement : des bruits de bousculade au dehors ; l’incursion d’une jeune femme qui veut s’emparer du portrait de la disparue. Soudain surgit une mariée, le visage masqué de noir sous le tulle. Elle brandit un pistolet. Elle n’est pas seule. L’accompagne quatre personnes, cagoules et vêtements sombres, tel un commando d’indépendantistes corses. Elles tiennent en otage l’assemblée, qui va devoir entendre la véritable histoire de Miranda.
On devine sous le voile la « noyée ». Elle a simulé sa disparition pour mettre Prospero devant ses responsabilités d’un père mal aimant, indifférent au viol qu’elle a subi _ l’auteur semble bien être Caliban le serviteur de la maison _, un père enfin empressé d’imposer un mariage précoce. Il en faudrait plus pour ébranler le patriarche, au contraire d’un mari suppliant. L’espoir vient du jeune Anthony qui retrouve sa mère ; d’Anna aussi qui veut envisager l’avenir avec Prospero et leur enfant à naître. Mais ce sont de sombres desseins qui animent le père de Miranda. A la mesure des désillusions d’un temps qu’il a cru égoïstement heureux.
Féministe
La musique s’immisce somptueusement poignante tout au long de ce drame où le jeu théâtral superpose l’action présente et l’évocation du passé, où au noir du deuil se substitue le noir vengeur et, finalement, libérateur. Il témoigne d’une défense en quête d’un amour désespéré de la part d’une jeune femme qui n’a que le tort de susciter les regards masculins.
La création de « Miranda », il y a dix-huit mois à l’Opéra Comique, a divisé la critique parisienne. Le propos volontairement féministe de Katie Mitchell a indisposé certaines plumes. On peut s’en étonner devant la sincérité de la démarche, qui concerne tout le monde, dans un spectacle tenu de bout en bout. La voix de la mezzo Kate Lindsey offre à Miranda cette plainte rageuse de larmes bridées.
Katherine Watson, soprano, incarne une Anna touchante d’attention et d’embarras mêlés. Son « Alleluia », dont elle prend le relais d’un Anthony trop ému (belle prestation inspirée du jeune Arsène Augustin de la Maîtrise de Caen), est magnifique d’intensité. Romain Bockler est parfait en pasteur réconciliateur contrarié. Son rôle de Ferdinand est limité, mais le ténor Rupert Charlesworth dévoile un timbre remarquable de nuances. Henry Waddington a toute l’autorité d’un chef de famille, ébranlé au final.
Raphaël Pichon dirige un chœur et un orchestre au mieux de leur forme. Ils assurent une concentration sans répit par des continuos et rythmes sans failles (les tambours de la procession funèbre) et des phrasés lumineux des cordes. Ce qui n’est pas un moindre exploit dans une atmosphère de demi-jour qui enveloppe ce semi-opéra.
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« Miranda », représentations données mardi 23 et mercredi 24 avril 2019 au théâtre de Caen.