Le Quatuor Cambini-Paris voir poindre le bout de sa « Route 68 ». Depuis 2017, la formation conduite par Julien Chauvin s’est engagée dans un projet fou : interpréter l’intégrale des quatuors de Josef Haydn, inventeur et maître du genre. Les foyers du théâtre de Caen accueillent cette aventure de trois étapes par saison. Son originalité réside aussi dans la venue, à chaque concert, d’une personne spécialiste. Elle apporte, par ses connaissances ou son art, un éclairage sur l’époque du compositeur. Cette fois, il a été question de maquillages et de perruques.
« La Puce à l’oreille », sosie fan tutte…
Un Feydeau par la Comédie Française est une occasion qui ne se manque pas. Le public du théâtre de Caen ne s’y trompe pas, qui emplit les cinq représentations de « La Puce à l’oreille ». La pièce n’avait pas été montée depuis son entrée dans le répertoire de la prestigieuse compagnie, en 1978 ! La metteuse en scène suisse Lilo Baur, familière de la maison Molière, s’en est emparée avec la complicité active d’une troupe au diapason d’un vent de folie. Une cure de rire bien salutaire.

« Noetic », géométrie dans l’espace
Le théâtre de Caen a accueilli le Ballet du Grand Théâtre de Genève pour un double programme signé Sidi Larbi Cherkaoui. Le chorégraphe belgo-marocain est à la tête de cette belle troupe depuis deux ans bientôt. Il y a un contraste entre « Faun », un pas-de-deux inspiré de la musique de Debussy et « Noetic », pièce chorale créée pour la compagnie de l’Opéra de Göteborg (Suède). D’un côté, la mythologie ; de l’autre, une forme de futurisme. Une réalisation magnifique et aussi quelques réserves…
« Noetic »… atmosphérique. (Photo Grégory Batardon).
« Nocturne », le chant lumineux de La Tempête
Il est des soirées rares et par l’originalité d’un programme et par la qualité d’une exécution. « Nocturne », le concert vocal donné par la compagnie La Tempête à Notre-Dame de la Gloriette, à Caen, appartient à celles-là. Simon-Pierre Bestion, fondateur et chef du chœur, a eu l’idée féconde d’alterner les « Vigiles nocturnes » de Sergueï Rachmaninov avec des chants liturgiques orthodoxes des premiers temps chrétiens. Cette association entraîne dans une plongée spirituelle saisissante. Elle est marquée par un déplacement quasi chorégraphique des choristes et un jeu de lumières simulant un temps, de la tombée de la nuit au lever du jour. Impressionnant.
« Orphée et Eurydice », miroir en regard
Elle était attendue cette production d’« Orphée et Eurydice », créée à l’Opéra-Comique, en octobre 2018 par l’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon ! Les années Covid 19 sont passées par là, bouleversant les programmes lyriques. Le théâtre de Caen a pu, avec d’autres maisons d’opéra, reprendre la main sur cette magnifique version du chef d’œuvre de Christoph Willibald Gluck. La distribution a été modifiée et l’orchestre de Vaclav Luks, Collegium 1704, a remplacé Pygmalion. Sans perdre au change et la magie de la mise en scène d’Aurélien Bory ajoute à la force émotionnelle de la musique.

Quatuor Cambini-Paris, des fils et des cordes
L’excellent Quatuor Cambini-Paris poursuit sa route 68, celle qui conduit à interpréter l’intégralité des quatuors de Josef Haydn (1732-1809). Les foyers du théâtre de Caen accueillent depuis 2017 la formation menée par Julien Chauvin, à raison de trois concerts par saison. On en arrive à la huitième et, au terme de ce rendez-vous de janvier, à cinquante-cinq quatuors au compteur. Plus que treize à interpréter. Comme à chaque fois, est invité un (ou une) spécialiste dans un domaine qui apporte un éclairage sur l’époque du compositeur. Là, il a été question de tissus avec François Vieillard, rare tisserand artisanal en France.
« L’Avare », l’impayable Jérôme Deschamps!
Au moment des fêtes de fin d’année, propices aux cadeaux, programmer « L’Avare » ne manquait pas de sel ! N’empêche, c’est un généreux présent qu’a proposé le théâtre de Caen dans cette production menée par un Jérôme Deschamps… impayable dans le rôle d’Harpagon. Sa mise en scène sobre toute portée vers le texte n’en est que plus efficace. Les répliques font mouche, servies par une distribution séduisante, de laquelle émergent un remarquable Valère (Geert Van Herwijnen) et une pétulante Frosine (Lorella Cravotta).

Messe de Minuit pour une histoire inouïe
On sait l’attachement de Sébastien Daucé à la musique de Marc-Antoine Charpentier 1643-1704). Le protégé de Mademoiselle de Guise et aussi des Jésuites a laissé un répertoire important d’œuvres sacrées. Sa « Messe de Minuit » atteint presque sur l’échelle de la notoriété son célèbre « Te Deum ». En cette période liturgique importante pour les chrétiens, elle offrait un programme judicieux, où s’intégraient d’autres pièces vocales et musicales. L’interprétation de l’Ensemble Correspondances était tout simplement magnifique. Le concert, au théâtre de Caen, a ménagé quelques belles surprises.
Falstaff sauvé des eaux
C’est son dernier opéra. Au soir de sa vie, à 80 ans, Giuseppe Verdi s’est plongé dans un genre assez inhabituel pour lui, l’opéra bouffe. La verve shakespearienne, avec le personnage truculent de Falstaff, lui a inspiré une œuvre virtuose, où farce et drame sont l’avers et le revers d’une même pièce. L’Opéra de Lille en offre une lecture étonnante et vivace avec la complicité de Denis Podalydès à la mise en scène. Solistes, musiciens de l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, sous la baguette d’Antonello Allemandi et chœur de l’Opéra de Lille se font les interprètes d’un tourbillon musical épatant. Coproducteur, le théâtre de Caen accueille ce spectacle pour trois soirs.

« Il Diluvio Universale », en avant arche…
Une heure trente de bonheur musical ! Avec sa Cappella Mediterranea et le Chœur de chambre de Namur, Leonardo García Alarcón a fait découvrir au public caennais une pépite de l’art baroque italien. « Il Diluvio Universale » est un oratorio de Michelangelo Falvetti (1642-1692). L’œuvre, saisissante à souhait, relate l’épisode biblique du déluge. La direction enthousiaste du chef argentin galvanise des interprètes formidables, tant dans l’orchestre que chez les chanteuses et chanteurs.