« On achève bien les chevaux », « hippodrame »

Du célèbre roman d’Horace Mc Coy, « On achève bien les chevaux » (1935), le cinéaste Sydney Pollack a tiré une adaptation marquante, en 1969, avec la remarquable Jane Fonda. Le transposer au théâtre était un défi que se sont lancés le chorégraphe Bruno Bouché et les metteurs en scène Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro. Danseuses et danseurs du Ballet de l’Opéra du Rhin, comédiennes et comédiens de la Compagnie des Petits Champs ont investi la scène du théâtre de Caen dans un tourbillon haletant.

La Grande Dépression et son cortège de misère, qui a frappé les Etats-Unis après le krach de 1929, a inspiré à Horace Mc Coy (1897-1955) un roman aussi bref que puissant. Des organisateurs sans scrupules des marathons de danse. Pour gagner quelques dollars, des couples se prêtent à ces compétitions jusqu’à épuisement, devant un public, dont le voyeurisme le dispute à l’abjection dans ces nouveaux jeux du cirque.

Pour Gloria, ce peut être une occasion de se faire remarquer pour un petit rôle au cinéma. Robert, son partenaire du moment, rêve de se retrouver derrière une caméra. Les évolutions des deux jeunes gens forment un contrepoint à l’ensemble du spectacle. Elle, dépressive, nerfs à vif, sème la zizanie dans le déroulé du marathon et se heurte au désarroi de son accompagnateur.

La scène s’ouvre sur un gymnase scrupuleusement balayé, de la sueur va bientôt couler. Sacks, le big boss, flanqué de ses deux cerbères, veille à ce l’orchestre (en direct) soit en place. La foule des candidats ne tarde pas à se déverser sur la piste. Flanqués de numéro chacun, les couples s’engagent dans l’épreuve physique rythmée par la musique.

De danses, on passe ensuite à des courses en rond éliminatoires. L’activité des interprètes sur scène tient de la performance et donne lieu à de forts beaux moments d’ensemble. On retient aussi dans cette évocation réaliste, ce solo de ballerine. Il intervient comme un rêve dans une fresque par trop linéaire. On n’est pas moins saisi par la succession des séquences. Elles mettent en évidence une soumission autant à l’inhumanité d’un règlement, qu’à l’indécence d’un marketing _ un mariage en public, pour quelques dollars de plus.

Une ligue de vertu réussit à suspendre ce « bizness ». Le marathon part à la dérive, comme Gloria. Candidate au suicide, elle persuade Robert de la tuer. Le drame intervient comme un couperet à la fin du ballet. Le procès qui s’en suivra (non évoqué ici) est le point de départ du roman d’Horace Mc Coy.

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Spectacle donné au théâtre de Caen, jeudi 15 et vendredi 16 février 2024.

 

 

 

 

 

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