Quatuor Cambini, mouvement et mouvement

En un seul trimestre, le Quatuor Cambini a rempli son contrat de la saison 23-24. Comme un coup d’accélérateur dans le slalom d’un calendrier bien chargé, avant la dernière ligne droite au bout de cette Route 68. Dans un an, la formation emmenée par Julien Chauvin aura interprété l’intégrale quatuors de Josef Haydn (1732-1809), le créateur prolifique du genre. Les foyers du théâtre de Caen en sont le lieu d’accueil, où, à chaque rendez-vous, une personnalité est invitée. Cette fois, pour ce troisième concert, c’est Alban Richard, directeur du Centre chorégraphique national de Caen-Normandie, pour parler des relations entre musique et danse.

Engagé en 2016-2017, perturbé par la pandémie du Covid, le compagnonnage de l’œuvre de musique de chambre de Haydn avec le Quatuor Cambini, touche à sa fin. C’est quand même une aventure bien singulière et osée qu’a entrepris le violoniste Julien Chauvin par ailleurs à la tête de l’orchestre, qu’il a fondé, le Concert de la Loge. Il a entraîné avec lui le violoncelliste Atsushi Sakaï, l’altiste Pierre-Éric Nimylowycz et Karine Crocquenoy, second violon, absente de l’affiche depuis plusieurs concerts à la suite d’un accident à la main. Cécile Agator l’a remplacée jusqu’à ce concert, où Anne Camillo a pris le relais.

 

Le programme est établi pour partie par un tirage au sort. Il en est ressorti pour cette session un choix d’œuvres significatives du corpus des quatuors de Haydn. Depuis les opus 20, ici le n°2, où le violoncelle trouve réellement sa place, à l’opus 74 n°1, où la maturité du compositeur s’épanouit vers des formes symphoniques, en passant par l’opus 50 n°4, qui appartient à la période charnière dite des quatuors prussiens.

Leur exécution impeccable, tant le courant passe entre les quatre interprètes, a, semble-t-il, moins suscité l’attention du chorégraphe que leur attitude en jouant. Alban Richard s’est inquiété en souriant de l’état de leur ischion, terme plus compréhensible dans sa traduction anglaise (sitting bone). C’est l’os qui, en position assise, supporte tout le poids du corps. Tout un chacun peut vérifier qu’il ne peut rester dans un fauteuil ou sur une chaise sans bouger un tant soit peu. Pour un musicien, l’élan d’un geste d’archet entraîne tout un mouvement du corps, plus ou moins marqué.

Selon Alban Richard, cette mise en action s’approche de la danse. Que n’a-t-il vu la violoniste Mi-Sa Yang se lever régulièrement de sa chaise en jouant _ c’est un peu moins vrai aujourd’hui ! Rythme, cadence, mouvement, il y a tout un vocabulaire commun entre les deux disciplines. Ce qui fait dire au chorégraphe que la danse est plus un art du temps qu’un art de l’espace.

On peut regretter que le dialogue, un peu abscons parfois, entre Alban Richard et Clément Lebrun, musicologue animateur de cette Route 68, se soit contenu à la danse contemporaine. Si a été évoqué le menuet, qui est un mouvement quasi abonné à la forme du quatuor, on n’est pas allé plus loin. Un rappel historique aurait pu être éclairant sur la danse à l’époque de Haydn.

Le final de l’Opus 74 n°1 qui clôturait ce concert pouvait en fournir une illustration. Ce passage est un bijou de virtuosité, aux volutes sonores étourdissants, presqu’un voyage en pays tsigane. Nombre de quatuors ou symphonies de Haydn portent un nom. Julien Chauvin a décidé d’appeler cet opus « le cauchemar » ! Non en raison de sa difficulté d’exécution. Mais parce qu’au cours d’une répétition son archet s’est cassé.

Il faut savoir, a précisé, Pierre-Éric Nimylowycz, que c’était un archet acheté aux enchères qui avait appartenu à Alice Harnoncourt ! Mais on a à Caen un grand spécialiste des archets, auditeur fidèle de la Route 68. Le « docteur » Jean-Yves Tanguy a porté un diagnostic rassurant. On reverra Julien Chauvin et son archet précieux bientôt avec le Concert de la Loge (dimanche 14 avril pour un programme Mozart) et la saison prochaine pour les trois dernières étapes de la Route 68 et, en mars 2025, toujours au théâtre de Caen, « Osez Haydn », trois jours autour du compositeur.

 

Concert donné le lundi 11 mars 2024, au théâtre de Caen.

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