« L’Orage »… ô désespoir!

 

Anton Tchekhov, le célèbre auteur de « La Cerisaie » a été précédé par de glorieux aînés. A quatre semaines d’intervalle, le théâtre de Caen en aura fait découvrir deux figures majeures du XIXe siècle russe : Tourgueniev avec sa pièce la plus connue, « Un mois à la campagne » ; et là, Alexandre Ostrovski, dont 2023 marque le bicentenaire de la naissance. « L’Orage » fit son succès dès la première représentation, à Moscou, en 1859. Denis Podalydès reprend ce drame, à l’écriture rafraîchie à nos jours par Laurent Mauvignier. Sa mise en scène perspicace est servie par un jeu fin, où la drôlerie précède la tragédie.

S’il y a de l’électricité dans l’air, elle part des sentiments hostiles qu’éprouve Kabanova (Nada Stancar impressionnante) à l’égard de Katenira, sa belle-fille (délicate Mélodie Richard). La jeune femme encaisse, mal défendue par Kabanov. Son mari subit l’emprise maternelle.

A Kalinov, petite ville imaginaire sur les bords de la Volga, le poids des conventions sociales, l’influence de la religion empèsent les familles. Dikoï, propriétaire colérique, tient la cité de son autorité. Kouliguine, poète et inventeur, en fait les frais. Sa proposition d’installer un paratonnerre se heurte à l’incompréhension de l’édile convaincu que les éclats du ciel sont message divin.

Car l’orage gronde, qui pousse Katerina à l’aveu. Oui, elle a eu une liaison avec Boris. Arrivé sans enthousiasme chez oncle, Dikoï, le jeune homme trompait son ennui en guettant la belle, corsetée entre la maison et l’église. Madame rêve… Mise dans la confidence des songes, Varvara, la sœur de Kabanov, en avait perçu la clé et provoqué la rencontre clandestine. Tiraillée entre désir et engagement d’épousée, Katerina ne peut effacer ses prémonitions mortifères. La présence inquiétante de Fekloucha, la vagabonde les renforcent.

Katerina en tirera l’issue fatale dans les eaux de la Volga. Le fleuve s’inscrit comme un personnage. Sa présence tient dans une photographie immense du fleuve, dont la surface agitée annonce l’orage. La scénographie habile signée Éric Ruff se love à l’évolution des scènes conduites par Denis Podalydès. Spectaculaire est celle où les éléments, pluie, éclairs, coups de tonnerre, sont accompagnés par les riffs sombres de la guitare de Bernard Vallery.

Mélodie Richard incarne avec talent Katerina sensible, dépressive mais aussi maîtresse de son destin. Son personnage se distingue des autres, qui suintent la mesquinerie. Exception faite de Kouliguine, joué par l’excellent Philippe Duclos, empreint d’optimisme et de miséricorde. En vain.

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Spectacle donné jeudi 6 et vendredi 7 avril 2023, au théâtre de Caen.

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