« Les Dissonances », magic Brahms!

« Aimez-vous Brahms… » Le titre d’un des célèbres romans de Françoise Sagan s’abstient du point d’interrogation. Et si tant est que la question ait pu se poser parmi les auditeurs du concert des « Dissonances », nul doute que la réponse est vite allée de soi. David Grimal et son ensemble ont offert une interprétation enthousiasmante de la Symphonie n°1 du compositeur allemand. Venue en « guest star » pour le double concerto opus 102, Anne Gastinel a ouvert cette soirée Johannes Brahms (1833-1897) au théâtre de Caen. Elle a rejoint ensuite le pupitre des violoncelles pour la symphonie. Au total, un grand bonheur partagé de part et d’autre de la scène.

L’ensemble Les Dissonances fêtera ses vingt ans l’an prochain. En dépit de difficultés à le maintenir à flot, le violoniste David Grimal ne se départ pas de son enthousiasme et de sa joie communicative. Les salles de concert sont là où ses sentiments s’épanouissent le mieux. Et le remerciement au théâtre de Caen, qui accueille régulièrement cette formation, était tout sauf feint.

« Les Dissonances » ont cette originalité de fonctionner sans chef d’orchestre. On imagine le talent requis par les musiciens et musiciennes et l’esprit de confiance mutuelle qui les anime. Et ça marche. Nouvelle démonstration en a été apportée au concert Brahms, dans un répertoire tout à fait dans les cordes des « Dissonances ».

Violons, altos, violoncelles, contrebasses sont en force dans les deux œuvres du programme. Dernière pièce symphonique de Brahms (1887), le Double Concerto _ un genre rare alors _ avait été écrit dans un but de réconciliation avec l’un des dédicataires. Entre Anne Gastinel et David Grimal, c’est la complicité qui prévaut, la même qui se produira le lendemain avec le concours du pianiste Philippe Cassard dans l’intégrale des Trios de Brahms. Le collectif des Dissonances offre un écrin sonore hors pair dans ce dialogue virtuose entre les deux solistes (1).

A l’inverse de la chronologie, la Symphonie n°1 constitue la deuxième partie du programme. Brahms en avait jeté les premières notes en 1854 pour n’achever son œuvre que quelque vingt ans plus. L’ombre tutélaire de Beethoven paralysait le compositeur, qui, du reste, arrêtera à quatre le nombre de ses symphonies. Il n’empêche. Et David Grimal a à cœur de défendre ce répertoire, que Les Dissonances ont entièrement enregistré, à la Philharmonie de Paris et à l’Opéra de Dijon.

Dans la démarche de cet ensemble, chaque interprétation est un défi à relever. La symphonie exige une coordination parfaite, une entente de chaque instant. De la n°1, on connaît surtout l’allegro du quatrième mouvement, dont l’air entêtant est magnifié par l’amplitude des cordes. Mais on ne peut négliger l’apport subtil des autres pupitres : des introductions dynamiques des timbales à la majesté des trombones, dont l’intervention tardive fait écho aux accords cordiaux des cors, en passant par la diversité des sonorités des bois.

La connivence des musiciens se vérifie par des sourires, des coups d’œil, des regards. Et la joie de les voir se congratuler à l’issue du concert est à la mesure des longs applaudissements d’un public conscient d’avoir partagé un moment magique.

(1) En bis, David Grimal et Anne Gastinel ont interprété le prélude de « Huit pièces » opus 39 pour violon et violoncelle de Reinhold Glière (1874-1956), compositeur d’origine belgo-germanique, né à Kiev.

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Concert donné le samedi 18 mars 2023, au théâtre de Caen.

 

 

 

 

 

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