Un grand « huit » en clôture à Deauville

Le dernier concert du 26e Festival de Pâques de Deauville a été dédié à Nicholas Angelich, décédé deux semaines plus tôt, le soir du lundi pascal.  Dans un message transmis par vidéo, Renaud Capuçon a salué, ému, la mémoire du pianiste, co-fondateur comme lui du festival deauvillais. À un immense talent d’interprète, Nicholas Angelich associait un tempérament bienveillant, d’une grande bonté. À l’issue de leur récital à quatre mains, les pianistes Ismaël Margain et Guillaume Bellom ont souscrit au portrait de cet artiste, qu’ils ont aussi connu et apprécié comme professeur. De même, au terme de l’Octuor de Mendelssohn, Yan Levionnois, a, au nom des deux quatuors Hermès et Hanson, témoigné de tous les bienfaits recueillis par celles et ceux qui ont côtoyé ce pianiste si attachant.

Le souvenir de Nicholas Angelich  plane tout au long de la dernière soirée du 26e Festival de Pâques de Deauville. C’est un très bel hommage que lui rendent, samedi 7 mai, les musiciens, plus jeunes d’une génération, voire plus, appelés à ce concert de clôture. Au programme, Huit variations de Schubert, en première partie ; un Octuor de Mendelssohn, en seconde. On sait le chiffre « 8 » plutôt bien porté à Deauville.

Les « inséparables » et … interchangeables, Ismaël Margain et Guillaume Bellom font feu de tous leurs doigts. Le clavier à quatre mains est devenu leur marque tant ils excellent dans ce domaine, qui demande une mise en place et une entente parfaites. Les « Huit  variations sur un thème original » et l’Allegro « Lebensstürme » (Orages de la vie ) de Franz Schubert résonnent de tous les contrastes, mélancoliques ou exaltés, qui traversent l’œuvre du compositeur.

Si la virtuosité n’est pas une fin en soi, elle n’impressionne pas les deux pianistes. De « L’Allegro brillant », que Félix Mendelssohn a composé pour et comme partenaire Clara Schumann, Guillaume Bellom et Ismaël Margain tirent une interprétation étincelante, propre à frapper les imaginaires, associés à raison avec « Le Songe d’une nuit d’été » du même compositeur.

C’est là, à la suite des applaudissements nourris, que les deux pianistes évoquent  le regretté Nicholas Angelich pour lui dédier, en guise de bis, « Danse slave » d’Anton Dvorak. Cette pièce, empreinte d’une douceur nostalgique, assortie de quelques éclairs de fantaisie, se révèle un choix pertinent.

Additionnez deux quatuors d’exception, Hermès + Hanson, cela peut constituer une formation de premier ordre. D’un côté, Anton Hanson, Jules Dussap, violons, Gabrielle Lafait, alto et Simon Dechambre, violoncelle ; de l’autre Omer Bouchez, Élise Liu, violons, Lou Yung-Hsin Chang, alto, Yan Levionnois, violoncelle. Ou plutôt, ensemble, par pupitres.

L’Octuor à cordes de Félix Mendelssohn est l’œuvre fascinante d’un compositeur de 16 ans ( !) par ses chatoiements de couleurs, son jeu de phrases musicales. Chaque interprète est sollicité dans une communion sonore dont le presto final  donne presque le tournis. Là encore, formidable accueil du public, auquel les deux quatuors réunis réservent un Prélude de Chostakovitch en hommage à Nicholas Angelich.

 

La veille, vendredi 6 mai, c’est également une soirée riche de talents qui a ravi le public. Elle était conduite par des jeunes vétérans du festival : le violoniste Pierre Fouchenneret, très présent à cette 26e édition ; l’altiste Lise Berthaud et le violoncelliste Victor Julien-Laferrière.

Le frère cadet du violoniste, Théo Fouchenneret , s’y associe pour le Quatuor en sol mineur pour piano et cordes de Mozart. Il peut compter sur son aîné pour donner l’impulsion à cette œuvre à la météo qui flirte avec l’orage, avant une éclaircie apaisante et souriante.

La Sonate en la mineur de Robert Schumann réunit les deux frères, à nouveau. C’est une des premières partitions  où le compositeur s’est essayé au violon, à la demande pressante de ses amis. Il ne se départit pas d’une gravité soutenue par le piano. L’entente musicale règne chez les Fouchenneret, illustrée encore par un et quatrième et dernier mouvement enlevé avec maestria.

Pour le Quintette à cordes en fa majeur d’Anton Bruckner, on retrouve le violoniste, l’altiste et le violoncelliste du début. Ils encadrent des jeunes nouveaux, Vassily Chmykov, au violon et Paul Zientara, à l’alto. Les aînés se connaissent très bien, en particulier Lise Berthaud et Pierre Fouchenneret. Ils font partie du quatuor Strada, auquel on doit une Intégrale de la musique de chambre de Brahms (éditée par le festival chez B. Records)

Le Quintette à cordes est une œuvre rare dans le catalogue du compositeur autrichien surtout connu pour ses symphonies. Son originalité est de placer deux altos. Mais, par delà, elle séduit par son souffle lyrique, la gémellité des pupitres, auxquels le violoncelle apporte son empreinte. C’est mené avec un enthousiasme captivant.

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Concerts donnés le vendredi 6 et le samedi 7 mai 2022, salle Élie de Brignac, à Deauville.

 

 

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