De Lalande, la musique sacrée au sommet

Avant de s’envoler pour une tournée aux États-Unis et au Canada, l’ensemble Correspondances de Sébastien Daucé a donné, mardi 25 avril, un concert de musique sacrée au théâtre de Caen. Son programme était exclusivement consacré à Michel-Richard de Lalande (1657-1726). Celui que ses contemporains surnommaient « le Lully latin » est devenu très vite le musicien préféré de Louis XIV. Cette exclusivité, pas si connue du public, dura plus de quarante au cours desquels Lalande écrivit de nombreuses pièces, en particulier des grands motets. Sébastien Daucé en a retenu trois, trois œuvres de jeunesse, révélatrices d’un style que le compositeur n’a cessé de remettre sur l’ouvrage. L’orchestre et le chœur de Correspondances ont offert une interprétation somptueuse et inspirée.

La mort de Jean-Baptiste Lully, en 1687, entraîne un changement de la vie musicale à la cour du Roi-Soleil. Mais déjà, Michel-Richard de Lalande a un pied dans la maison. Il a quatre ans auparavant été déjà choisi par Louis XIV qui a supervisé un concours de recrutement. Les meilleurs compositeurs du moment y ont participé, dont Marc-Antoine Charpentier.

Le jeune musicien, issu de la Maîtrise de Saint-Germain l’Auxerrois devient, à 26 ans, sous-maître de la Chapelle Royale de Versailles. Il succède à Henry Du Mont et Pierre Robert. Très vite, après la disparition du Florentin, il gagne encore en estime auprès du roi, jusqu’à obtenir toutes les charges de la musique de la cour, dont le poste de surintendant de la Musique de la Chambre.

Lalande accompagne ainsi musicalement tous les moments de la vie de Louis XIV : messe quotidienne, divertissements, soupers et aussi fêtes religieuses et cérémonies dynastiques. Le grand motet, cette forme musicale et vocale se modelant sur un texte religieux, est sa spécialité. Elle servira longtemps de référence à travers l’Europe.

Écrit en 1687 sur le Psaume 50, le « Miserere Mei Deus » (Mon Dieu ayez pitié de moi) s’affirme comme un motet de grande ampleur. Il est lié aux offices de la Semaine Sainte. Cette œuvre majestueuse et poignante utilise toutes les ressources de l’affect. Son appel à la contrition s’inscrit dans le calendrier de la liturgie catholique. On est frappé par l’alternance du chœur et des voix solistes qui relance l’attention.

L’orchestre, duquel émergent, au dessus du couvoir des cordes et des continuos, le velouté nasal du basson et le pépiement des flûtes, assure pleinement son rôle au service des voix. Celui-ci se partage entre accompagnements et transitions. La direction de Sébastien Daucé met en valeur la moindre des nuances d’un chant magnifiquement partagé par les interprètes.

Le « Veni Creator Spiritus » (Viens, Esprit Créateur) date, lui, de 1684. C’est l’un des tout premiers, sinon le premier motet composé par Lalande. L’œuvre est destinée à la fête de la Pentecôte, dont il fait le récit. Là encore, les déplacements des choristes répondent à la mise en relief de certaines voix, ainsi qu’à aiguiser la vigilance des fidèles.

La deuxième partie du concert s’ouvre sur une page exclusivement orchestrale. Elle rappelle une des facettes de la mission du compositeur auprès de la Cour. Cette « Grande pièce royale » est un des « capriccios » préféré de Louis XIV. Elle fait partie des symphonies pour les Soupers du Roi. Le souverain ne se lasse pas de cette pièce élégante, agrémentée de passages virtuoses, dont s’acquittent avec grâce les musiciens de Correspondances.

Le « Dies Irae dies illa » (Jour de colère ce jour-là) doit sa composition aux funérailles, à Saint-Denis, de la dauphine Marie-Anne-Christine de Bavière, le 5 mai 1690. Le décès est survenu deux semaines plus tôt. On mesure le peu de temps laissé à Lalande pour rendre sa partition et la faire répéter. La   force dramaturgique est là, sans emphase. Le bis, répond à un accueil enthousiaste du public. Il reprend les trois dernières strophes du psaume (« Lacrymosa dies illa »…), comme un échantillon significatif d’une œuvre chargée de gravité et de confiance mystique.

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Concert donné le mardi 26 avril 2022 au théâtre de Caen. On recommande l’enregistrement de ces grands motets de jeunesse de Michel-Richard de Lalande, par ce même ensemble Correspondances. Il est sorti en février 2022 sous le label Harmonia Mundi.

 

 

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