Vous reprendrez bien un peu de Mozart ?

 

En ces temps largement perturbés par un vent mauvais soufflant de l’Est, la soirée proposée au théâtre de Caen a offert comme une bulle de félicité. Avec Mozart au programme, Julien Chauvin et son Concert de la Loge ont interprété des pages parmi les plus significatives du génial compositeur. Toutes, immédiatement identifiables, représentaient au final sa large palette d’écriture : Airs d’opéra, mouvements de symphonie et de concerto. Et à travers eux, sa capacité à exprimer tout un spectre de sentiments, de dramaturgies. La mezzo Adèle Charvet y a contribué magnifiquement. « Simply Mozart », titrait la soirée. Mozart, tout simplement.

S’ils ne peuvent constituer un effectif permanent, les musiciens que rassemble autour de lui le violoniste Julien Chauvin sont soudés par une complicité de tous les instants. Le concert « Simply Mozart » en est une nouvelle illustration, tant le jeune chef peut paraître pouvoir « lâcher le volant ». À la façon d’un David Grimal avec son ensemble Les Dissonances.

Installé sur une estrade qui lui avoir un peu de hauteur sur l’orchestre, Julien Chauvin garde un œil sur les musiciens. Ses élans à se soulever de sa chaise, à la façon de sa consœur, Mi-sa Yang, pourraient être vus comme des indications à leur endroit. Peu importe, à vrai dire. L’intérêt se porte sur un résultat sonore qui séduit d’entrée avec l’ouverture des « Noces de Figaro », prélude à un programme construit de façon originale.

On s’étonne à la lecture de celui-ci de découvrir un saucissonnage. Trois des  mouvements de la symphonie n°41, dite Jupiter, alternent avec deux du Concerto pour violon n°3, et des ais d’opéra. By Jove ! Mais on adhère vite à cette formule de morceaux choisis, à laquelle participe Adèle Charvet. Depuis sa révélation au festival de Pâques de Deauville, il y a quatre ans, la chanteuse a rapidement gravi les échelons de la notoriété. Elle compte parmi les grandes mezzos de la scène lyrique.

L’air d’Idamante, tiré de l’opéra « Idoménée, roi de Crête, « Non ho colpa, e mi condamni » (je n’ai pas fauté et tu me condamnes), donne toute l’ampleur de son talent, une voix puissante, certes, mais d’une grande souplesse dans les nuances. On ne constate encore, avec tout un jeu d’expressivité », avec les airs de Chérubin dans « Les Noces de Figaro » : « Non so più cosa son, cosa faccio » (Je ne sais plus ce que je suis, ce que je fais » et la célèbre sérénade, « Voi che sapete, che cosa è amor » (Vous qui savez ce qu’est l’amour).

À chacun de ces airs, l’accompagnement du Concert de la Loge est d’une délicatesse de porcelaine, tout au service de la voix. Il se love dans la dramaturgie de « La Clémence de Titus » dans ce rondo où Sextus accepte sa mort pour avoir trahi. « Deh per questo istante solo » (Ah, pour juste ce moment). Et, en remontant la chronologie de l’œuvre, ce quasi dialogue entre le chant d’Adèle Charvet, « Parto, parto, ma tu ben mio » (Je pars, mais toi ma bien-aimée) et le son grave et velouté de la clarinette de basset de Toni Salar Verdu.

Cela vaut une vaut de la part de Julien Chauvin une petite leçon d’histoire instrumentale. La clarinette de basset a disparu des orchestres. La découverte à Riga (Lettonie) d’un dessin de l’époque de Mozart. Il a permis à un facteur de reconstituer cet instrument dont la forme s’apparente à une pipe à opium.  Mais pas besoin de paradis artificiels pour en apprécier les qualités !

Entre ces airs d’opéra, le Concert de la Loge alterne donc des mouvements de la symphonie « Jupiter » et du Concerto n°3. C’est un feu d’artifice de chatoiements dont le sommet revient à la tête de cordée, Julien Chauvin. Son passage de solo dans l’adagio du concerto laisse le public suspendu à son archet. Le « bravo », lancé tel un cri du cœur, par une spectatrice propulse applaudissements au terme de l’interprétation. Elle est saluée aussi par tous les musiciens, comme ils le feront au salut final à l’adresse d’Adèle Charvet. Cela vaut bien des rappels. La mezzo y répond volontiers et reprend le rôle de Chérubin.

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Concert donné le vendredi 25 février 2022, au théâtre de Caen.

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