Un Barbier de Séville sémillant au théâtre de Caen

Dix-huit mois de régime sans scène, il tardait au théâtre de Caen de retrouver son public. Et réciproquement. C’est avec une évidente gourmandise, que les spectateurs ont découvert la salle et ses nouveaux fauteuils. Mais la transformation la plus spectaculaire… ne se voit pas. Elle réside dans un matériel technique high tech des coulisses jusque dans les hauteurs au dessus du plateau. Elle autorise les performances les plus pointues.

Il fallait bien un spectacle joyeux pour cette réouverture. Pour effacer aussi un temps le souvenir des attentats de Paris et de ses victimes, dont un dessin de Chaunu rend hommage dans le programme. « Le Barbier de Séville » s’en est chargé avec la complicité de Jean-François Sivadier.

Rossini tourne le dos à la morosité dans cet opéra-bouffe, vieux de près de deux cents ans mais toujours aussi jubilatoire.  Sa musique agile y est pour beaucoup. Elle inspire le metteur en scène, qui se sort avec brio d’une intrigue sur le fil (du rasoir). Elle est tirée de la pièce de Beaumarchais avec sa fameuse tirade sur la calomnie. Mais on trouve déjà, chez Molière, dans « L’école des femmes », le trio de la pupille, de son tuteur et du bel amoureux.

Là, c’est Figaro qui tire les ficelles aux dépens de son ancien maître, le Docteur Bartolo. Pas question de laisser le vieil épouser sa « protégée ». Rosine n’a d’yeux que pour Lindor, dont la jeune fille ignore le vrai nom et la qualité d’aristocrate. De ruse en stratagème, le barbier et le comte Almaviva déjouent les pièges.

Jean-François Sivadier, auquel on doit, entre autres, une saisissante « Carmen » de Bizet et une désopilante « Dame de chez Maxim » de Feydeau, use de tout son savoir-faire. Sa mise en scène est d’une simplicité apparente comme la musique de Rossini. En fait, comme la musique de Rossini, elle fourmille de subtilités, qui renchérissent sans cesse la mélodie. Dans un décor sobre, un plateau en pente, où le gag affleure, quelques stores et accessoires suffisent à déplacer l’action.

Dès lors, le chant s’épanouit soutenu sans casser de porcelaine par l’orchestre de Limoges et du Limousin, sous la baguette de Nicolas Chalvin. Ces airs sont  portés par une équipe épatante d’interprètes issus des scènes américaines et européennes. Taylor Stayton (Almaviva) et Mark Diamond en Figaro rockabilly, s’entendent comme larrons en foire. La mezzo portugaise, Eduarda Melo, campe une Rosine attachante. Tiziano Bracci fait merveille dans le rôle, somme toute ingrat, de Bartolo. Autour d’eux, gravitent d’autres personnages. Parmi eux, Jennifer Rhys-Davies, sorte de double de Nicole Monestier dans « L’affaire de la rue Lourcine » montée par Jérôme Deschamps, incarne avec drôlerie la gouvernante Berta.

Le 16 janvier 2015.

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