« Kind », bonjour contes cruels

Avec « Kind », la compagnie Peeping Tom boucle sa trilogie familiale, après « Vader » et « Moeder ». La compagnie belge, menée par le couple franco-argentin Gabriela Carrizo et Franck Chartier, ne perd rien de sa causticité dans une évocation cauchemardesque et drôle de l’enfance. On se retrouve à nouveau dans un spectacle inclassable qui tient tout autant du théâtre d’images que de la danse. De la musique aussi via une bande-son finement élaborée et forte en présence. On en sort plutôt groggy.

Photo Oleg Degtiarov

Ne pas se fier aux apparences dans ce décor de carte postale tyrolienne sortie de chez Sissi. Ni à l’image amusante de cette fillette boulotte pédalant sur un vélo trop petit pour elle. Avec Peeping Tom (« voyeur » en langue anglaise), le « chamboule-tout » guette au fond des bois. Ici, la forêt sent le milieu hostile, où la pluie rince le randonneur et les rochers se détachent des parois.

Mauvais rêve ou réalité ? Le ou plus exactement la « Kind », incarnée par Euridike De Beul évolue dans cet entre-monde, peuplé de sa réplique en miniature campée par une fillette, de figures douces, mais aussi violentes, perverses, difformes. Elle est une Alice qui croise un Bambi à deux pattes bientôt sans tête, un chasseur fou, d’étranges spéléologues, un ver géant et un ballon doué de réactions.

L’univers des contes imprègne celui de « Kind » avec ses allégories de fantasmes et traumatismes inhibés. Un petit sapin arraché violemment de ses racines évoque une naissance sans ménagement, une plongée rude dans la vie extra-utérine ; la musique torrentielle d’une Janis Joplin renvoie au règlement de compte de la chanteuse avec son adolescence texane, dans lequel peuvent se reconnaître des teenagers.

La plainte d’Isolde qui conclut l’opéra wagnérien trouve dans la voix d’Euridike De Beul une résonance poignante dans une quête d’amour absolu qu’ignore le monde des adultes figuré par des silhouettes neutres. Ainsi, grandit « Kind » rattrapé (e) dans des hallucinations par d’étranges quadripèdes aux mêmes masques impassibles. Dans ce trop-plein d’imagination, l’élasticité bluffante des interprètes rend la perception de ce spectacle étrangement fascinante. Y affleure, pourrait-on se rassurer, le sourire du chat du Chershire pour se dire : tout cela n’est pas nécessairement vrai !

« Kind », au théâtre de Caen, les mercredi 11 et jeudi 12 décembre 2019.

 

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.