Le week-end « Osez Haydn », fin mars ne soldait pas tout à fait l’aventure exceptionnelle du Quatuor Cambini-Paris menée sur neuf saisons au théâtre de Caen. Certes, la fameuse Route 68 _ autrement dit l’intégrale des quatuors de Joseph Haydn _ était arrivée à son terme. Mais, il fallait compter sur un bonus, comme un condensé de l’influence du compositeur sur ses successeurs. Le quatuor est une forme musicale inventée par Haydn. Elle a fait florès. Démonstration en deux temps. C’était le jeudi 22 mai dernier.
Ce fut pour Julien Chauvin, fondateur et premier violon du Quatuor Cambini-Paris, l’occasion d’inaugurer un tout nouvel archet. Le luthier caennais Jean-Yves Tanguy lui a livré une copie remarquable d’un archet de l’époque de Haydn, estampillé Wilhelm Cramer. L’objet est d’autant plus rare, qu’il a été réalisé à partir d’un bois rouge issu du Brésil, le pernambouc, désormais impossible à importer car protégé. Les quelques stocks encore disponibles sont jalousement conservés.
Un archet tout neuf donc, que Julien Chauvin a vite adopté pour cette soirée où il a convoqué plusieurs héritiers déclarés de Haydn. Mozart (1756-1791) bien sûr, mais aussi celui qui donné son nom à la formation, Giuseppe Maria Cambini (1746-1825), plus fort que son mentor en nombre de quatuors à cordes, plus de cent cinquante (!). S’ajoutent à cette descendance les compositeurs français inspirés par le style viennois, Félicien David (1810-1876), Hyacinthe Jadin, météore dans le monde musical (1776-1800), Charles Gounod (1818-1893), enfin.
L’originalité de cette première partie était de construire un programme à la façon d’un quatuor en cinq mouvements. Chacun était tiré d’une œuvre des compositeurs précités. Mozart ouvrait la marche avec le premier mouvement du « Printemps », un quatuor qu’il avait justement dédié à Haydn. Hyacinthe Jadin en apportait la conclusion trépidante avec le « « finale agitato de son quatuor n°3.
Jadin et Félicien David constituaient pour une partie de l’auditoire des découvertes. Elles ont fait l’objet d’enregistrements. On rappellera que Julien Chauvin et ses amis sont proches de la Fondation Bru-Zane, à Venise, qui œuvre pour sortir de l’oubli des représentants de la musique romantique française.
La deuxième partie était consacrée au chef-d’œuvre de Franz Schubert (1797-1828), « La jeune fille et la Mort ». Schubert a écrit ce quatuor poignant quinzaine d’années après la mort de Haydn. Karine Crocquenoy, deuxième violon du Quatuor Cambini, caressait depuis longtemps le souhait d’interpréter ces pages magnifiques.
Elle, Julien Chauvin, Pierre-Éric Nimylowycz, à l’alto, et Atsushi Sakaï, au violoncelle, en ont fait une lecture fascinante d’émotion retenue. Elle apportait une conclusion magnifique à ces rendez-vous de la Route 68, fidèlement suivis. Et c’est Gounod qui a apporté, en rappel, la note finale, avec le deuxième mouvement de son quatuor n°2, un allegro, qui fait la part belle à l’alto. Une fois n’est pas coutume.
En repartant, les auditeurs ont pu partir avec un petit sachet de copeaux du bois utilisé pour l’archet de Julien Chauvin. Au cours du week-end « Osez Haydn », Jean-Yves Tanguy avait transporté un de ses établis dans les foyers du théâtre. Chaque visiteur avait été invité à donner les premiers coups de rabot sur le précieux bois. Pour le luthier-archetier la boucle était aussi bouclée. Il avait été le premier, le 12 novembre 2016, à inaugurer les rencontres autour d’un thème qui ont accompagnées les concerts de la Route 68.
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« Tout sauf Haydn », concert donné le jeudi 22 mai 2025 au théâtre de Caen.
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