« Le conte des contes » : l’antidote

Pour fêter ses trente ans, le Théâtre Malandro d’Omar Porras a sorti le grand jeu. Son adaptation de « Lo Cunto de li cunti », connu aussi sous le nom du « Pentamerone », entraîne dans un tourbillon de drôlerie et de frissons. Cette compilation de légendes, fables et historiettes réunies par Giambattista Basile est parue au début du XVIIe siècle napolitain. Elle inspirera Charles Perrault, les frères Grimm et bien d’autres. À leur suite, Omar Porras s’y inscrit dans une lignée théâtrale anti-morosité pleinement réussie. C’était au théâtre de Caen.

Omar Porras est un familier de la scène caennaise. On conserve encore frais dans les mémoires son « Coronis » avec le Poème Harmonique de Vincent Dumestre. Et ça c’était juste au moment où un virus sournois commençait à se propager en Chine. On sait la suite, dont le monde continue de subir les conséquences.

À sa manière, le metteur en scène colombien a imaginé dans sa Suisse d’adoption un antidote avec ce qu’il sait faire de mieux : le théâtre. Si ça ne guérit pas, ça y contribue. En s’appuyant sur l’œuvre Giambattista Basile, Omar Porras convoque tout le « casting » des contes, dont on oublie trop souvent la puissance cathartique dans une société où l’on est prompt à se tourner vers la puissance publique pour calmer ses angoisses et traumatismes.

En docteur Basilio, Philippe Gouin, pilier du Teatro Malandro, campe un Monsieur Loyal, version Porras. Visage de marionnette napolitaine, sorte de fusion entre le clown blanc et le masque d’ « Anonymous » de David Lloyd, il orchestre enchaînements et coups de théâtre, parti d’un nœud de viscères et autres abats aux pouvoirs électriques. Que ne ferait-on pas pour soigner un prince neurasthénique !

Dans une fantasmagorie haute en couleurs et effets luxuriants d’imagination, le grotesque le dispute à ma violence, le rire à la peur. Le lapin d’Alice est dépiauté sans ménagement, des oies perdent la tête, des mains sont coupées. On frise le Grand-Guignol. Mais dans cette succession de contes revisités, où s’affrontent désir et pulsion _ La Belle au bois dormant ; Peau d’Âne ; Cendrillon ; le Chaperon rouge, etc. _, le sordide est finement esquivé.

Du geste et de la voix, Philippe Gouin tient en virtuose la barre de ce carnage burlesque que ne saurait dévier une bourrasque doublée d’une tempête de neige (idéale pour un décor des Boréades). Avec lui, une équipe épatante de musiciens-danseurs se joue des instruments et des cordes vocales jusqu’à un final de cabaret, paillettes comprises en conclusion de ce spectacle aussi vivifiant qu’intelligent.

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Le Conte des contes, représentations données au théâtre de Caen, du jeudi 13 au samedi 15 janvier.

 

 

 

 

 

 

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