Vaclav Luks et son ensemble, le Collegium 1704, ont retrouvé la scène du théâtre de Caen pour un concert 100% italien. Son programme, « Il Giardino dei Sospiri » devait être le reflet d’un enregistrement tout frais sorti, avec la voix de Magdalena Kozena. Indisponible pour raison de santé, la mezzo-soprano tchèque a été remplacée au pied levé par Sara Mingardo. L’alto vénitienne a relevé brillamment le défi, le temps d’un aller-retour entre Aix-en-Provence, où elle répète, et Caen. Aux modifications de répertoire, le Collegium s’est adapté avec brio et grâce aérienne.
Un soupir de déception parcourt la salle, lorsque Patrick Foll annonce la défection de Magdalena Kozena, laissant à peine le temps au directeur du théâtre d’enchaîner sur une nouvelle rassurante. Le concert peut être maintenu grâce au concours de Sara Mingardo. La chanteuse italienne est en répétition pour le prochain festival d’Aix-en-Provence, avec le directeur de Pygmalion, Raphaël Pichon et le metteur en scène Romeo Castellucci. Elle a pu se libérer deux jours.
Evidemment, le programme est modifié. L’alto vient avec les partitions qu’elle possède le mieux. Ses propositions collent avec l’esprit du concert prévu, s’agissant d’un « Jardin des soupirs », où peuvent se mêler tout à la fois l’attente amoureuse, la quête mystique et le soulagement ou le bien-être. Le baroque italien excelle dans l’expression de ces sentiments. Et le jeune Händel, le germanique, n’a pas été le dernier à s’y fondre au cours de ses séjours dans la péninsule.
Le démontre sa « Sinfonia » tirée de son opéra « Agrippina ». Elle ouvre le concert, avant l’entrée en scène de Sara Mingardo. Si la chanteuse a entendu le bref souffle du dépit, elle n’en laisse rien paraître. Un sourire radieux accompagne son salut. La scène caennaise l’avait accueillie en février 2017 pour « Le Triomphe du Temps et de la Désillusion » _ autre opéra d’Händel _ dans la production du Concert d’Astrée d’Emmanuelle Haïm. Elle y tenait le rôle de la Désillusion aux côtés du baryton américain Michael Spyres (le Temps) .
La voix Sara Mingardo n’a rien perdu de sa clarté. Son timbre subtilement modulé associe fraîcheur et maturité, avec des graves de velours. Vénitienne comme Vivaldi, elle sert magnifique la musique du « Prêtre roux », que ce soit dans la Cantate « Cessate amai cessate » ou le psaume « Nisi Dominus ». Dans ce dernier, le passage « Cum dederit » s’inscrit comme un grand moment d’une intense douceur entre le chant, les cordes de l’orchestre et le rythme à deux notes du clavecin.
Depuis dix ans, s’écrit une belle histoire de fidélité entre le Collegium 1704 et le théâtre de Caen depuis la belle production de « Rinaldo », mise en scène par Louise Moatti (1). L’ensemble de Vaklav Luks offre régulièrement un enchantement. La virtuosité de son premier violon Ivan Iliev ou de son violoncelle solo, Liber Masek, est à la mesure du son captivant d’équilibre dégagé par tout le groupe des cordes. Ainsi de « La Follia » d’Arcangelo Corelli dans un arrangement de Francesco Geminiani, où, seul instrument à vent à s’inscrire dans le tempo, le basson d’Adrian Rovatkay fait merveille.
Au fil du concert marqué aussi par des œuvres instrumentales de Domenico Sarro et Leonardo Vinci, Sara Mingardo interprète des airs d’opéra de Händel. Elle incarne Rinaldo puis la Cornelia de « Giulio Cesare », avant de devenir dans un bis répondant aux applaudissements d’un public définitivement emballé, un Serse dans le troublant et bouleversant « Omba mai fu ».
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Concert donné le mardi 4 juin 2019, au théâtre de Caen.
- (1) Le Collegium 1704 sera de retour la saison prochaine, avec son ensemble vocal, le samedi 14 décembre 2019. Il interprétera « Le Messie » de Händel, dont vient de sortir un enregistrement chaleureusement accueilli par la critique.